2016 →

Céline Poulin

  • U+0042-007

    Lettre maj. latine B

  • A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

    Produit dérivé

  • Coline Sunier & Charles Mazé

    Marquage noir, 0,25 × 0,15 cm

  • CAC Brétigny

    2017

Chaque saison est pensée comme un mouvement qui s’articule en plusieurs temps—ouverture, thème, solo>sextant et final, autour d’un motif central innervant l’ensemble des projets. La première saison 2016—2017 «Chants de distorsion» a duré un an et compte quatre mouvements. Le second cycle, «Altérisme», a duré deux ans et huit mouvements. Le troisième cycle, «Esthétiques de l’usage, usages de l’esthétique», a duré trois ans. Le cycle en cours s'intitule «Ces corps instituants». 

Retrouvez les archives de chaque saison dans les rubriques Expositions, Résidences ou dans l’Agenda.

Ouverture (automne)

En anglais, une keynote désigne le premier orateur qui ouvre le bal d’un événement. Elle est la note clé, celle qui donne le ton. La saison démarre ainsi au centre d’art par une exposition emblématique des enjeux qui animeront l’année.

Thème (hiver ou printemps)

Dans un morceau musical, le thème trace le motif d’ensemble. Construite en partenariat avec des établissements de recherche, des structures pédagogiques ou sociales, au niveau local, national et international, cette exposition-recherche permet d’explorer un sujet en invitant à la participation artistes, curateurs, élèves, étudiants, chercheurs, amateurs jeunes ou seniors, grâce à des résidences, colloques, rencontres, ateliers, expositions satellites, événements... autant d’explorations en acte.

Solo>Sextant (hiver ou printemps)

Du solo au sextant d’artistes, ce mouvement focalise sur un point précis, il s’attarde sur un élément du motif. De cette attention aigüe au travail d’un∙e ou plusieurs artistes résulte une échappée.

Final (été)

Le mouvement final conclut en choeur, habitant l’espace du centre d’art et irriguant le quotidien des habitants. Ensemble d’événements au CAC et dans plusieurs lieux de partenaires, le final se focalise sur la pratique amateur et déploie les oeuvres co-créées par les usagers ou les réalisations des participants dans ces aires parallèles générées par les artistes.

Cycle 2019—2022: Esthétiques de l’usage, usages de l’esthétique

Saison 2021—2022: Esthétiques de l’usage, usages de l’esthétique: populaire

Dernier mouvement d’un cycle de trois ans, 2021—2022 «Esthétiques de l’usage, usages de l’esthétique: populaire» poursuit nos réflexions sur l’usage de l’art et met en scène un mot-valise, véhicule idéologique controversé s’il en est. Cette saison connaîtra notamment trois moments forts: «Hlel Academy», exposition monographique de Sara Sadik, «The Real Show», exposition collective co-curatée avec Agnès Violeau[1], puis une double exposition curatée par l’équipe du CAC Brétigny, à la fois monographie de Camille Bernard et espace de recherche pédagogique, l’Ǝcole.

Qu’est-ce que veut dire l’adjectif populaire aujourd’hui, et particulièrement quand il est appliqué à une institution artistique? Ce terme permet d'asseoir des préjugés classistes: d’un côté le populaire s’oppose au cultivé et au bourgeois, regardé avec amusement, dégoût, pitié, fascination parfois, et de l’autre cette définition du populaire légitime une forme de populisme en l’opposant à l’épouvantail de l’élitisme, l’entre-soi. Mais ce mot galvaudé réfère aussi à l’éducation populaire, dont les théories prennent une place de plus en plus importante au CAC Brétigny et dont nous affirmons aujourd’hui fortement la filiation qui irrigue chaque jour nos réflexions et nos actions, notamment avec ELGER et l’Ǝcole. Lier art contemporain et éducation populaire est un programme en soi, mais surtout une structuration par des méthodes de travail[2].

*L'emploi politique et médiatique du terme conduit à lier le populaire au populisme, à l’utiliser comme arme idéologique, à le dévoyer comme justification populiste. Or, la popularité de certains gestes, chansons ou tout autre acte culturel développé sur les réseaux sociaux permet, au contraire, de former des communautés et de passer outre une légitimation institutionnelle ou des classes dominantes pour proposer des représentations alternatives. Les cultural studies l’ont bien montré, un média partagé peut être vecteur de changement ou d’idées non conformistes. Le développement des cultures à la fois massives et alternatives par le biais de YouTube ou de podcasts confirme fortement cette tendance, allant à l’encontre d’une vision classiste de la culture. Peut-on, aujourd’hui, alors que l’amateurisme arrive enfin à faire entendre sa voix, que les réseaux créent aussi une polarité en marge des cercles de domination symbolique, ignorer la possibilité d’une multitude de connexions pluri-identitaires, transclasses et intergénérationnelles?

*La production artistique actuelle vient également pointer de manière saillante le monde des communautés—celles du jeu vidéo, de la musique, du sport, ou simplement la mise en scène de sa propre image (système des followers, capillarité du commentaire, anonymat ou profil avatar, échange de likes, etc.). La popularité peut apparaître pour certain·es corrélée à une uniformisation et un aplanissement des relations, accentuant les rapports de classe, les «impopulaires» déconnecté·es du réseau étant doublement marginalisé·es par un accès difficile à l’emploi, au logement, aux transports etc. Mais, paradoxalement, n'est-ce pas à l'endroit même de cette popularité massive et des communautés qu'elle crée (youtubeur·euses, gamers, followers de séries, de sports, communautés musicales …), que se niche une contre-culture aujourd'hui?

Ces questions qui seront abordées lors de l’exposition collective «The Real Show», co-curatée avec Agnès Violeau, se retrouvent avec beaucoup d'acuité dans celle de Sara Sadik. «Les réseaux sociaux permettent l’auto-représentation. Les personnes choisissent et décident de quelle manière se montrer et se raconter» énonce ainsi l’artiste[3]. «Hlel Academy» se situe justement au croisement de plusieurs acceptions dudit terme, mêlant aux réflexions ci-dessus les méthodes de travail connectées à l’éducation populaire[4]. Car Sara Sadik travaille en co-création[5], c’est-à-dire qu'elle travaille avec des personnes a priori non-artistes, et en utilise donc les méthodes: la conversation, le partage de l’écriture artistique, la prise en compte des statuts de chacun·e... Le CAC Brétigny invite depuis plusieurs années des artistes travaillant en co-création, considérant qu’elle permet en effet de sortir des zones connues de la création et d’offrir à l’art des perspectives inattendues. «[...] La forme en art se caractérise par le fait qu’en conduisant à de nouveaux contenus, elle développe de nouvelles formes» avait écrit Walter Benjamin, insistant sur l’importance des méthodes de travail et des outils de production dans la définition de l’œuvre[6]. C’est précisément le cas du travail de Sara Sadik qui va détourner des outils de leurs usages premiers comme par exemple manipuler les éléments copyleft de GTA pour créer une narration cinématographique. Loin d’un regard surplombant sur les références qu’elle maîtrise, Sara Sadik les potentialise: l’utilisation des codes de la téléréalité rejoint ici un usage existant de celle-ci, mais avec une attention extrême, un amour, totalement opposés aux logiques spectaculaires du petit écran. Comme le décrivent très bien Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella Magliani-Belkacem, Sara Sadik fait «objection à l’indignité dans laquelle l’appareil médiatique et politique entend réduire les habitant·es des quartiers populaires et à l’illégitimité qui frappe leurs imaginaires», son travail fait barrage au cynisme qui «abandonne définitivement tout attachement à la vérité et à la beauté qu’elle recèle». Comme le dirait autrement Marina Garcès, Sara Sadik est concernée par ses sujets. Une précision et un attachement que l’on retrouvera avec l’exposition et la résidence de Safouane Ben Slama, curatées par Camille Martin, ou avec la résidence d’Étienne de France, curatée par Elena Lespes Muñoz, et celle de Fanny Lallart, curatée par Elena et moi.

Une question se pose, bien sûr, celle de la récupération par les institutions de formes culturelles vernaculaires, tout en maintenant l’exclusion des classes les moins favorisées des processus de décision. Moi-même, si je ne suis pas issue de la bourgeoisie—mes grands-parents maternels étant ouvrier·ères spécialisé·es et mes grands-parents paternels, nourrice et employé municipal (comme ouvrier d’abattoir puis balayeur public)—j’ai bénéficié de l'ascension sociale de mes parents, devenu·es tou·tes deux enseignant·es, puis pour l’un organisateur d’événements culturels via la Ligue de l’enseignement, car à l’époque, l’École Normale payait les élèves des classes dites populaires pour qu’ils et elles fassent des études. C’est un constat récurrent que le manque de diversité, notamment de classe, dans les structures culturelles. Il faut donc mettre en question les institutions, leur mode de fonctionnement. Mais doit-on en faire un programme esthétique? La critique institutionnelle, quand elle s'institutionnalise, renforce souvent l’autonomie de l’art en le renvoyant vers ses propres cadres, en interrogeant ses propres normes. Il apparaît ainsi comme tourné vers ses questionnements propres, alors même que l’intention de la critique institutionnelle est une connexion plus forte avec les enjeux socio-économiques. Je dirais donc plutôt qu’il faut en faire un programme structurant le quotidien, réfléchissant l’organisation du travail, des espaces, des moyens, de l’autorité. Le partage de l'autorité se fait aussi et surtout par celui de la parole légitime, notamment avec le projet «Transmissions» conçu par Elena Lespes Muñoz avec la webradio *Duuu.

La co-création, les modalités collaboratives et relationnelles, les dynamiques de l’éducation populaire répondent en partie à ces enjeux. Mais peuvent-elles pour autant permettre concrètement une modification des structures institutionnelles? Et sous cette influence, une institution artistique peut-elle, comme une médiathèque ou un café, être ouverte à toutes et tous, accueillante et respectueuse des droits culturels, et ce tout en luttant contre les sirènes du populisme et en jouant son rôle de laboratoire d’expérimentations artistiques? Nous pensons toutes ici que oui. Et nous l’expérimentons chaque jour. L’exposition de Laura Burucoa au Phare, issue de rencontres sur le parvis et travaillée dans le «conteneur», est un bel exemple de communauté éphémère et mouvante qui, nous l’espérons, essaimera dans le temps et pour longtemps[7].

Saison 2022—2023: Ces corps instituants

Pour cette saison 2022-2023, le CAC Brétigny approfondit ses expérimentations quant aux usages du lieu via différentes expositions établissant chacune des relations particulières aux usager·ères, artistes, commissaires ou habitant·es. Les corps individuels et collectifs invités apporteront leurs règles, leurs regards, leurs besoins de liberté et leurs contraintes pour s'inscrire dans celui qu'est l'institution, et en moduler les frontières et les limites. De la professionnalisation d'amateur·rices aux tentatives de partages de la gouvernance, en passant par diverses méthodes de collaboration et de pédagogie, ces corps instituants écriront notamment au centre d’art les histoires de leurs luttes et de leurs désirs intimes ou publics.

Céline Poulin


Notes

[1] Certains passages de ce texte précédés d’un astérisque sont extraits de la note de travail rédigée par Agnès Violeau et moi-même pour la préparation de «The Real Show».

[2] Ces expositions, les événements et les résidences au CAC Brétigny cette année sont donc nés de multiples conversations, en premier lieu entre les membres de l’équipe du centre d’art, Milène Denécheau, Domitille Guillet, Ariane Guyon, Louise Ledour, Elena Lespes Muñoz, Camille Martin et moi-même, avec les artistes qui nous ont accompagnées, Sara Sadik, bien sûr, qui ouvre magistralement cette saison, Fanny Lallart, Laura Burucoa, Etienne de France et Marie Preston; avec les artistes participantes à ELGER, Juliette Beau Denès, Morgane Brien-Hamdane, Pauline Lecerf, Vinciane Mandrin, Zoé Philibert; avec le groupe de recherche de l’Ǝcole. Avec nos voisin·es du Théâtre Brétigny aussi.

[3] https://theartmomentum.com/sarasadik/

[4] Je vous renvoie au très beau texte de Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella Magliani-Belkacem sur le travail de l’artiste dans la Revue.

[5] Pour le lien entre éducation populaire et co-création, voir Marie Preston, Inventer l'école, penser la co-création dir. Céline Poulin & Marie Preston, éditions Tombolo Presses et CAC Brétigny, à paraître en septembre 2021.

[6] Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle: le livre des passages, Paris, Éd. Le Cerf, 1989, p.490, citation recroisée dernièrement  à la lecture du carnet de recherche d’Émeline Jaret, 2021: https://maisondesarts.malakoff.fr/fileadmin/user_upload/JARET_Emeline_carnet_de_recherche_deux__mai_2021__mdam.pdf

[7] Voir texte de Camille Martin ici.

Expositions et évènements 2021—2022:

Saison 2020—2021: Esthétiques de l’usage, usages de l’esthétique: second mouvement, mutations

Lors du premier mouvement, prôner l’artifice consistait, entre autres, à refuser la prétendue naturalité de certains principes, pourtant tout à fait culturels. La nouvelle saison poursuit les investigations amorcées l’an passé sur les mutations incessantes de nos identités qui débordent les tentatives sociales pour les contraindre. La normalisation en marche est connectée au rejet d’autres formes de rationalité. Cloisonner, réduire, simplifier, unifier, tout un ensemble de procédés sont nécessaires à l’avancée de la raison telle qu’elle se radicalise depuis la fin du XIXème siècle. Ils masquent d’autres outils noologiques indispensables pour vivre, avec soi et avec les autres, que sont l’incertitude, le multiple et la suspension du jugement au profit de la considération. «You don’t listen» disent Arthur Fleck, futur Joker, ou Charlie Meadows, représentant de son état, l’un à l'assistante sociale censée l'accompagner, l’autre à son voisin de chambre, le scénariste Barton Fink. En effet, les deux manquent ici cruellement d’écoute pour leurs interlocuteurs, la première empêtrée bien malgré elle dans des problèmes administratifs abjects et sclérosants,  l'autre banalement préoccupé par les méandres de sa création et se disant pourtant focalisé sur celles et ceux qu’il nomme le peuple. Or, nous sommes tout·es des monstres, des êtres mutants, ayant besoin d’être écouté·es, et évoluant dans un univers captivant. Comme nous tout·es, les personnages, réels ou imaginaires, qui vont investir le programme du centre d’art vivent avec leurs inévitables métamorphoses, drainant les langages qui les constituent et leurs rituels inventés pour réussir à habiter la folie du monde. De nouvelles habitudes pourront, peut-être, être prises ensemble. Ainsi, nous scanderons l’importance des méthodes de travail collaboratives, avec une Ǝcole dont le e culbuté nous renvoie à une possible inversion des valeurs et nous donnerons de la voix, avec rebonds, échos et, surtout, en polyphonie.

Expositions et évènements 2020—2021:

Saison 2019—2020: Esthétiques de l’usage, usages de l’esthétique, premier mouvement: l’artifice

Après avoir été pris comme point d'achoppement durant deux ans, l’altérisme est devenu une méthodologie que nous utilisons dans chacun de nos projets travaillant toujours à la frontière de plusieurs disciplines, champs, registres, cultures, subjectivités.

Aujourd’hui, nous traçons au CAC un nouveau fil que nous suivrons pour chacun des projets, au croisement de réflexions sur les enjeux de l’art aujourd’hui et sur les usages du centre d’art à l’endroit précis où il se situe. Pour plusieurs années, nous réfléchirons aux esthétiques de l’usage et aux usages de l’esthétique. Alors que se pose la question des responsabilités sociétales des centres d’art et de leur rôle dans la cité, il semble important d’étudier les connexions entre les formes et les usages qu’elles produisent, et inversement. Le CAC Brétigny s’associe ainsi à des artistes, des chercheurs, des commissaires, des amateurs pour y réfléchir. L’outil et les avancées technologiques, mais aussi la culture au sens large, sont au centre d’une pensée de nos pratiques et de la place de l’art que ce soit dans les coutumes, au travail ou dans la vie quotidienne. Et le premier mouvement d’«Esthétiques de l’usage, usages de l’esthétique» se tournera vers l’artifice.

L’artifice est souvent opposé à la nature, alors qu’il est au contraire partie intégrante de la réalité: «Chanter le monde, c’est chanter son artifice [...];  renoncer à l’artifice c’est quitter l’existence et mourir» écrit Clément Rosset. En effet, les lois dites naturelles vont être utilisées pour légitimer des principes idéologiques, convoquées pour naturaliser des singularités pourtant culturelles ou encore appuyer des rapports de force et rejeter l’altérité et la différence. Prôner l’artifice consisterait ainsi à considérer tous les aspects de la réalité, qui peut sembler bizarre, voire irrationnelle, plutôt que de la circonscrire dans une conception limitée et souvent moraliste. Selon Clément Rosset toujours, «On peut ainsi distinguer entre trois grandes manières, pour un artiste, de pratiquer l’artifice: selon qu’il se veut artificiel par dégoût devant une nature considérée comme décevante (pratique naturaliste), par nostalgie d’une nature absente (pratique quasi artificialiste), ou par plaisir devant l’absence de nature (pratique artificialiste) [...].À travers les différentes pratiques de l’artifice, c’est la réalité en général qui apparaît comme déniée, tolérée, assumée.»

Nous nous intéresserons donc particulièrement aux pratiques artistiques qui célèbrent ou réfléchissent l’artificialité du monde. Nous supposons que l’usage de l’art (décorer un espace, créer des vêtements, mettre en lumière une situation sociale, expérimenter des matériaux, produire de nouveaux récits, etc.), va permettre de rendre visible cette part d’artifice indissociable de la réalité. Laurent de Sutter, dans «Vie et mort des super-héros» sur l’Iron Man de Jon Favreau, écrivait justement que «L’histoire de la pensée occidentale est en effet l’histoire de l’être en tant que celui-ci peut être présenté comme pauvre: l’être est ce qui reste lorsque les accessoires qui le dissimulent ou le prolongent lui sont ôtés: l’être est nudité. Ce que l’attitude de poseur de Stark révélait, c’était qu’il s’agissait là d’une erreur: s’il y a de l’être, celui-ci n’existe que dans les accessoires qui l’équipent, qui le supplémentent, qui l’augmentent, et sans lequel il n’est rien.» Pas d’être sans accessoire, pas d’usage sans esthétique, pas d’identité sans costume.

Expositions 2019—2020:

Saison 2017—2019: Altérisme

Quand Roland Barthes écrit «Martiens», dans ses Mythologies, il est atterré par la façon dont son époque envisage la vie sur Mars. Les terriens s’approprient la planète en y projetant leurs propres coutumes et croyances. Fondant la vie martienne sur le mythe de l’identique, du double, ils refusent une remise en cause de leur logique habituelle par l’intrusion d’une véritable altérité.

Identité et altérité, les deux notions sont inséparables, au désarroi de l’une semble répondre la radicalisation de l’autre. Car la rencontre avec l’altérité entraîne avant tout l'interrogation de sa propre identité et ainsi l’apparition de l’autre en soi. C’est pourquoi, comme le dit Barthes, l’altérité est le concept le plus antipathique au «bon sens». Elle entraîne la remise en question des prérequis et des facilités de penser, permettant une véritable construction du savoir.

L’analyse de Barthes nous guide comme un fil rouge pour faire de l’altérisme notre mode de pensée, suivant deux principes: le savoir est du côté de l’autre et l’altérité est avant tout en soi.

Car l’existence ne peut se résoudre en rentrant en soi, en retrouvant au fond de soi une identité toujours «déjà-là» que le savoir ne ferait que déployer, mais par l’Autre, surgissant imprévisiblement. Savoir de l’altérité en tant qu’elle fait s’effondrer l’identité illusoire dans laquelle s’enferme d’abord le sujet et en même temps savoir de l’identité que cette altérité suppose. Un tel savoir sera savoir du monde.

Ainsi opposé au «bon sens», l’altérisme est plutôt partisan du malentendu et de la multiplicité des interprétations. Non pas qu’il n’y ait pas de réel, ou encore de vérité, ce qui pour certains est à peu près la même chose («Tout ce qui est réel est rationnel», Hegel), mais parce que le fantasme, la fiction sont parties prenantes et constitutives du réel. Est réel tout autant l’objet que le sentiment, l’émotion, provoqués par l’objet, ou encore le ressenti de l’objet lui-même.

De l’importance des émotions donc.

De l’importance des sentiments et des représentations émotionnelles dans la construction du savoir, historique ou non.

Être acteur de sa propre histoire, de son propre récit devient ici fondamental. Il s’agit donc de situer l’objectivité du côté de l’objet (Goffman) et d’exprimer les représentations émotionnelles de l’objet et du chercheur lui-même. Et ainsi, faire parler le document, l’objet en tant que sujet lyrique.

Expositions 2018—2019

​​Expositions 2017—2018

Saison 2016—2017: Les Chants de distorsion

L’expression «champ de distorsion» désigne la puissance charismatique de Steve Jobs, co-fondateur d’Apple, qui réussirait à influencer les plus rétifs de ses collaborateurs. Un champ magnétique semble déformer la perception de quiconque l’approche, toujours dans l’intérêt de son émetteur. Si les œuvres provoquent cette modification de la réalité, elles ont ceci de particulier que leurs chants se construisent dans la relation même qui les relie à celui, celle ou ceux qui écoutent, à l’autre.

Expositions 2016-2017